Dieu qu'elle détestait l'hiver. Un temps de cochon, du vent, du froid... L'obligation de se couvrir, elle qui aspirait à vivre le plus légèrement vêtue possible, indépendamment de toute connotation sensuelle ! Elle aimait la caresse du Soleil sur sa peau, le souffle du Mistral dans ses cheveux, les bains dans les gorges du Pennafort, à Callas, et les fruits d'été ! D'autant plus que cet hiver venant n'avait fait que lui apporter un chapelet de malheurs - la mort de Constance, entre autres - et elle se demandait même si la vie valait encore la peine d'être vécue, puisque de toute façon tout semblait déterminé d'avance, et que jamais rien ne changerait.
Mateù avait du sentir sa mélancolie, car par sa lettre et son cadeau, il réussit à éveiller la curiosité de son épouse. Une tenue discrète, qui plus est ? C'était sans doute ce qui allait poser le plus problème, elle n'avait rien de discret, Cianfarano oblige ! Elle passa donc sa journée à se confectionner une tenue discrète, ce qui était une vraie sinécure pour elle. Mais elle finit par quitter le foyer conjugal vêtue d'une simple robe brune, de tissu assez grossier, le tout enveloppé dans un mantel pourpre. Le mantel pourpre, celui de leur première rencontre. Elle s'en souvenait comme si c'était hier, cette pluie, et Mateù posant son habit sur les épaules d'une Prune détrempée... Elle l'avait gardé comme un de ses plus précieux trésors, et, après l'avoir un peu retaillé (plus cintré à la taille, ourlet raccourci de 20 bons centimètres, manches recoupées à la bonne longueur, ect.), il lui allait comme un gant.
Armée d'une lanterne, elle se rendit donc "au gros Flamand", et, après avoir poussé la porte, s'installa à une table, un peu en retrait, devant une bière. Avec la capuche remontée sur son visage, le seul signe qui permettrait de la reconnaitre serait ce collier, dont la lueur des chandelles rehaussait l'éclat.